Durant toutes ces années de Côte
d'Ivoire en qualité de fiscaliste transnationale,
avocat, éditeur ou consultant du développement,
résidente ou de passage, Béatrice avait été
frappée par la rareté, voire l'absence de
réceptifs hôteliers aptes à accueillir
des étrangers souhaitant allier confort, repos, nature
et découverte face à d’immenses ressources
touristiques. En résumé, elle était
convaincue (et est toujours convaincue) du fort potentiel
de développement du secteur du tourisme en Côte
d’Ivoire (et des diverses branches qui y sont attachées
directement ou indirectement telles que le transport aérien
et terrestre, l’hôtellerie, la restauration,
les loisirs, les tours-opérateurs, les agents de
voyages, les artisans, prestataires spécialisés,
les agences de communication, consultants, éditeurs
de cartes touristiques ou postales, guides, construction…).
La
création répond bien au besoin de défis
qui anime Béatrice. Ce sera le choix initial appuyé
par l’aide familiale. Un groupe privé suisse
est prêt à suivre. En revanche, tous les organismes
de développement (internationaux, régionaux,
bilatéraux, ou même spécialisés
dans les PME) refusent le projet considéré
comme trop petit malgré ses FCFA 5 millions et sa
contribution certaine au développement durable local
en termes d’emploi bien évidemment mais également
de préservation de l’environnement, d’accès
à la santé, à l’éducation,
etc. Béatrice et son compagnon Ollivier ajoutent
toutes leurs économies. Les voyages se succèdent
: le terrain est trouvé, l’accord conclu, une
société anonyme de droit ivoirien constituée,
les fournisseurs sélectionnés ; l’architecte
élabore son plan de masse ; Béatrice et Ollivier
peaufinent leur plan d’affaires …L’addition
est refaite et le constat amer : les fonds manquent pour
terminer le projet et vivre jusqu’à ce que
le futur établissement puisse atteindre l’équilibre.
La recherche porte alors sur un rachat. Les offres sont
peu nombreuses. Les rares vendeurs ne le sont pas vraiment
ou les établissements proposés ne peuvent
pas répondre aux critères d’ouverture
et de développement qui sont ceux de Béatrice
et Ollivier. Le découragement commence à poindre
quand une annonce fait renaître l’espoir. Best
of Africa qui venait à peine d’ouvrir est mis
en vente par les fondateurs, des Français tombés
amoureux de la Côte d’Ivoire à l’occasion
pour l’un du Rallye Bandama, pour l’autre d’une
semaine de congés. Les négociations avancent
et l’affaire est conclue le 5 octobre 1999.
Immédiatement
et avec enthousiasme, Béatrice et Ollivier démarchent
tours opérateurs et agences de voyage en Europe,
dans la sous-région et aux Etats-Unis, et commencent
des plans d’amélioration du produit en termes
de confort, décoration, activités, excursions,
etc.
La
suite est connue : un coup d’Etat 3 mois plus tard,
des tentatives successives, des élections présidentielle
et législative fortement médiatisées
en 2 000, un transport aérien devenu prohibitif avec
le quasi-monopole d’Air France en 2001…la destination
« Côte d’Ivoire » déjà
peu connue voire inconnue est complètement boudée
par les grossistes du tourisme que sont les tour opérateurs.
Ces derniers sont sollicités de toute part par des
pays plus expérimentés dans le secteur et
sa promotion, plus dynamiques voire agressifs sur le plan
commercial, des destinations moins chères et plus
prisées pour diverses raisons : qualité du
service, tarifs, proximité des marchés émetteurs,
modes, etc. La concurrence internationale s’accroît
en 2 002 avec une économie mondiale morose, la peur
du terrorisme et l’attentisme face au risque de guerre
en Irak. Et un chiffre d’affaires qui ne cesse de
régresser tandis que les coûts (à titre
d’exemples, plus de FCFA 2 millions de gazole qui
alimente les 2 groupes électrogènes, seules
sources d’électricité et d’eau,
outre les véhicules automobiles servant aux approvisionnements
de gazole et quelques menus achats à Sassandra d’une
part, de tous les autres produits alimentaires, pièces
détachées, produits d’entretien …
à Abidjan d’autre part ; télécommunications
dont la part consacrée à Internet en connexion
interrégionale atteint à elle seule FCFA 700
000 à 800 000 chaque mois) augmentent.
Malgré
ces difficultés, Béatrice ne baisse pas les
bras. Grâce à de nouvelles aides familiales
et la réalisation du reste de son capital, elle souscrit
à une augmentation de capital de la Sarl de droit
ivoirien Best of Africa qui s’élève
aujourd’hui à FCFA 126.250.000 F.CFA.
Dans
le domaine commercial, de la communication et du marketing,
dès juin 2000, Best of Africa est intégré
à un site Internet commun, www.sassandra.com (aujourd’hui
disparu faute de payement de la redevance par le titulaire
du nom de domaine) puis achète son propre nom de
domaine l’année suivante. Aujourd’hui,
le site http://www.bestofafrica.org
est diffusé en trois langues, français, anglais,
italien et comporte 15 pages et 25 photos. Béatrice
fait vivre et connaître le site par des référencements
spécifiques dans des annuaires, des portails de voyages,
d’hôtels, des portails géographiques
Côte d’Ivoire, Afrique francophone, de l’Ouest
… Elle recherche et obtient plusieurs échanges
de liens. Des investissements publicitaires sont réalisés,
tournés vers la clientèle locale : encarts
dans des gratuits prestigieux, spots radio et distribution
massives de plaquettes publicitaires auprès de différents
prescripteurs potentiels : ambassades, organismes internationaux,
grandes entreprises, délivrance de bons gratuits
de séjour à l’occasion de manifestations
caritatives, émissions de radio, de télévision…,
marketing direct par des étudiants en fin de cycle
BTS gestion commerciale, tourisme ou hôtellerie…
Béatrice
et Ollivier participent personnellement à deux salons
du tourisme grand public (2000 et 2001) et deux salons professionnels
(2001 et 2002), toujours sur les stands de la Côte
d’Ivoire. Best of Africa a en outre été
représenté dans maints autres salons, soit
par des agences, Tour Opérateurs ou représentants
spécialisés, soit par le conseiller touristique
ivoirien auprès de l’ambassade dans le pays
d’accueil. Béatrice et Ollivier ont des contacts
suivis avec des professionnels du tourisme en France, Belgique,
Allemagne, Italie, Ghana, Burkina Faso, Mali et aux Etats-Unis.
Ces derniers ont apprécié la qualité
du produit (certains pour l’avoir testé). Ils
ont manifesté un intérêt réel
qui n’a pas pu se concrétiser en raison de
leur crainte d’envoyer des touristes dans un pays
qu’ils considéraient à risque.
Pour
ce qui concerne le produit, consciente du coût comparatif
élevé de charges fixes incompressibles que
Best of Africa doit assumer, soucieuse d’un développement
durable de l’établissement et du tourisme en
Côte d’Ivoire, Béatrice cherche à
attirer à une clientèle aisée exigeante
mais également attentive à la préservation
de l’environnement. Dans cet objectif, Béatrice
ne cesse d’améliorer le produit et de le monter
en gamme. La carte est enrichie pour devenir « carrément
fabuleuse » selon les confidences de quelques hôtes
étrangers. La priorité est accordée
aux produits locaux frais, aux fruits de mer et poissons.
Tennis de table, baby-foot et pataugeoire d’eau douce
sont ajoutés. Des massages détente sont proposés
aux hôtes ainsi que de nouvelles excursions (plantations,
scieries, usines de transformation d’agrumes). Les
travaux se poursuivent par l’ajout de climatiseurs,
de lampes et tables de chevets ; le confort s’améliore
avec de nouveaux éclairages, des oreillers de qualité
supplémentaires et des tables de travail… Béatrice
crée une bibliothèque salon de lecture (1
500 titres en français et en anglais), Ollivier ajoute
une partie musique (piano et guitare). Il met également
sur pied un produit « pêche au gros »
en collaboration avec un centre de pêche sportive,
produit commercialisé dans le catalogue du plus gros
tour opérateur français spécialisé
dans ce domaine. Béatrice est attentive à
la décoration (tableaux, glaces, sélection
des bogolans et tissus) et à mille petits détails
qui font la différence entre le style standard des
chaînes et l’attention personnelle de propriétaires
gérants.
Le
second semestre 2002 s’ouvre sur un grand vent d’espoir
et une énergie renouvelée. La confiance de
la communauté internationale dans le pays en général
et dans la destination en particulier se fait sentir avec
la réintroduction progressive de la Côte d’Ivoire
dans les catalogues des principaux tour opérateurs.
Les compagnies aériennes reviennent ou s’installent.
Les efforts continus des 3 années passées
commencent à produire leurs fruits : un reportage
photo d’une semaine à Best of Africa est prévu
pour octobre, suivi par celui de 3 journalistes de pêche
sportive le mois suivant. La parution le 15 septembre 2002
de quelques photos des plats de Best of Africa qui devait
être suivie par la présentation des recettes
correspondantes sur le site Internet américain www.africa-ata.org
suscite l’intérêt immédiat d’un
gros TO américain.
Octobre arrive, le site plus superbe que jamais grâce
aux travaux commandés avant le départ de Béatrice
le 18 septembre pour l’ouverture de TOP RESA (le plus
gros salon professionnel francophone qui se tient chaque
année à Deauville en France) et exécutés
en son absence, il fait beau, le ciel est bleu, la mer est
calme, les fleurs sont épanouies. La vie pourrait
continuer ainsi faite de relations humaines inchangées
et agréables, d’un paysage unique que Béatrice
a enfin le temps de regarder et d’une bibliothèque
rêve de petite enfance dont elle peut enfin profiter.
En résumé, Best of Africa n'a cessé
d'être un petit paradis de verdure et de paix. La
forêt primaire est demeurée, l'océan,
la lagune, le fleuve, la baie et sa douce tranquillité
qui se transforme parfois en paradis du surf, les rochers,
les pirogues, les fleurs, tout est présent. Faute
d’entretien, la ville de Sassandra au fil des mois
s’est en revanche fortement dégradée.
Aujourd’hui,
Béatrice continue à croire sincèrement
à l’avenir de la destination. Ses atouts indéniables
n’ont pas disparu et ne vont pas disparaître
: proximité de l'Europe, absence de décalage
horaire ; ensoleillement et chaleur lorsque l’hiver
sévit en Europe ; mer chaude ; diversité culturelle
; variété des centres d’intérêt
possibles ; artisanat de grande qualité et vieille
tradition ; écotourisme ; plages et cocotiers ; lagunes
et fleuves ; nature et vestiges immobiliers ; et surtout
la qualité de l’accueil et la gentillesse des
Ivoiriens.
Grâce
à une action énergique et volontaire, commune
et combinée des pouvoirs publics et du secteur privé,
des pays ayant connu des crises similaires se sont redressés
rapidement. La Côte d’Ivoire peut le faire.
A
son petit niveau, Béatrice a utilisé toutes
les opportunités que la crise avait offerte pour
apporter ses réflexions aux média internationaux
qui ont bien voulu lui ouvrir leurs colonnes ou leurs antennes.
Elle espère ainsi avoir pu contribuer à donner
une image plus juste et mesurée de la Côte
d’Ivoire et de ses habitants, à effacer de
la mémoire du grand public et des professionnels
du voyage et du tourisme étrangers des impressions
excessivement négatives que certaines photos ou propos
ont pu générer et tout simplement à
faire connaître et aimer le pays pour toutes ses richesses
naturelles et humaines. Durant ces longs mois de crise,
Béatrice a reçu de nombreux témoignages
d’amitié et de solidarité de clients,
de connaissances et même de purs inconnus qui sincèrement
amoureux de la Côte d’Ivoire ne comprenaient
pas et voulaient aider ou exprimer leur chagrin, un capital
à partir duquel beaucoup peut être construit.
Béatrice GRANDCOLAS
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